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LE PONT 1 (3).jpg

C’était un petit pont où on aimait traîner,
Où les charrettes claquaient encore les pavés
Ça sentait bon le crottin et les vieux bourrins
A la robe café au lait  et aux longs crins.
C’était l’arche de la victoire des résistants
Le pont des gens du coin ainsi que des errants,
L’union des villages et des jeunes amoureux
Se cachant sous la voute des passants  curieux.
Ils étaient nombreux penchés sur le parapet.
Qui par l’onde fraîche se laissaient bercer
Où se croisaient et mourraient rires et chagrins
Comme les ronds dans l’eau menés par les gamins.
C’était un petit pont qui a fait son chemin
Laissé seul, à l’abandon et sans lendemain
Ils ont choisi une autre  voie bien plus rapide,
Les guidant vers un destin terne et insipide.
Les reflets des amants se sont évanouis
Comme les rires des enfants épanouis.
Où sont ceux qui dansaient, soupiraient leur espoir,
Ceux qui n’avaient pas peur du vide et du miroir ?
Le pont ne voit plus que la rivière à ses pieds.
Il semble qu’elle-même ne veuille plus y rester.
Elle dissémine ses algues filamenteuses
Alors qu’elle s’assagit, bien moins tumultueuse.
Les pierres se lézardent ; l’ouvrage tient encore.
Mais herbes et tresses de lierres le dévorent.
Ce n’est pas d’un linceul herbu qu’il est vêtu
C’est le nouvel apparat d’un sage têtu.
Il résiste aux assauts des arbres et du vent,
Se nourrit de la lumière du firmament.
Le vieux pont ne meurt pas. Il charme les oiseaux.
Je viens m’y abriter hors du temps loin des maux.

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